Au
début des années trente, Henri Langlois, jeune cinéphile passionné, décide de
sauver et de collectionner les bobines des films muets vouées à la destruction
depuis que le cinéma est devenu parlant. Quelques années plus tard, en 1936, la
collection devenant imposante, il décide avec deux amis, George Franju
(réalisateur) et Jean Mitry (historien) de créer une structure qui puisse
archiver, conserver, restaurer et projeter non seulement les vieux films muets,
mais également tous les autres, français ou étrangers et qui soit capable de
constituer une collection d’objets et de documents appartenant à l’histoire du
cinéma : la Cinémathèque Française vient de naître. L’exemple sera suivi
dans le monde entier : rapidement des Cinémathèques apparaissent dans plusieurs
pays, créées par des gens qui, comme Langlois, pensent que le cinéma est un
patrimoine esthétique et historique à sauvegarder et à partager. Depuis, à
Paris notamment, le sérieux et l’importance de toute cinéphilie digne de ce nom
se juge à la fréquentation des salles et des collections de la Cinémathèque
Française, à Chaillot d’abord, puis à Bercy depuis 2005.
Quand
nous décidons, en 2007, de mettre en place un projet cinéma en 4e,
il est évident pour nous que la Cinémathèque est un lieu que nos élèves devront
s’approprier et fréquenter assidument, qui plus est lorsqu’un tel lieu se
trouve à un quart d’heure à pied du Collège… Au fil du temps, nous multiplions
les visites et les ateliers dans la maison de Langlois et nous lions des
relations aussi chaleureuses que fructueuses avec l’Institution et son service
pédagogique. Un partenariat amical prend forme peu à peu et lorsqu’en 2010 nous
créons l’ « option cinéma » en 3e, la Cinémathèque
devient notre collaborateur privilégié pour l’éducation audio-visuelle. Depuis
le début de l’année, cette coopération affectueuse est devenue officielle et
institutionnalisée puisque l’option est devenue un « atelier artistique en
partenariat avec la Cinémathèque Française » reconnu par le Rectorat.
Cette
année, en novembre, les élèves du projet de 4e ont d’ores et déjà pu
participer à un parcours (visite du Musée suivie d’une séance d’analyse
filmique en salle) ayant pour thème la « Naissance du cinéma » avant
d’assister à deux autres ateliers prévus en janvier et en mars. Les
participants à l’option de 3e, quant à eux, ont pu brillamment
éprouver les connaissances acquises en classe lors d’une autre visite du Musée
en octobre et d’un atelier d’analyse sur les formes cinématographiques
d’avant-garde en novembre. Trois autres ateliers auront lieu en mars et avril.
Vu la satisfaction qu’ont témoignée les élèves (de 4e et de 3e)
lors de ces sorties et des séances de travail qui ont suivi, on se dit qu’il en
est des projets pédagogiques et artistiques comme de l’amour : le plaisir
naît du choix du partenaire…
Les
élèves de l’option ont également eu l’occasion d’assister à la conférence audio-visuelle
organisée à leur attention par Charles-Emmanuel Thivet sur les musiques de
film. Pour la deuxième année consécutive (encore une collaboration qui
fonctionne !!), l’historien-archiviste-DJ a donc expliqué, extraits
commentés à l’appui, que la musique au cinéma peut être un élément narratif
important ainsi qu’une ligne rythmique qui donne son tempo à la réalisation
comme au récit. Depuis le 21 novembre dernier, l’apport de Bernard Hermann,
d’Ennio Morricone, de François de Roubaix ou de Martial Solal au 7e
art n’a donc plus de secret pour nos apprentis-cinéastes. Ils auront entre autres
retenu que c’est précisément le jazz de Martial Solal qui impulse le montage
révolutionnaire choisi par Godard pour son premier long métrage, À bout de souffle (1960). Godard, qui
avec Truffaut, Resnais, Chabrol, et quelques autres inventeront cette manière
inédite de faire du cinéma (et donc, du même coup, une nouvelle conception de l’art
cinématographique) qu’on appellera « La Nouvelle Vague ».
Godard, qui avec Truffaut, Resnais, Chabrol, et quelques autres, ne se
sont jamais définis eux-mêmes autrement que comme « les enfants de la
Cinémathèque ». CQFD.
M. Alaguillaume & R. Chauré
Article paru dans Le Courrier de Sainte Clotilde (numéro 58, décembre 2012)